[NPC]
Dario secoua sa bourse. La journée avait été fructueuse. Peu de voleurs et beaucoup d'honnêtes gens. Les jeunes avaient moins bon appétit en été. Et c'était tant mieux pour le commerce. Il sortit de sa poche une vielle pipe en terre et la fourra d'un simili-tabac, le dernier encore vendu par les honnêtes gens. Le tabac était devenu une denrée précieuse pur les gens normaux. Seuls les miséreux avaient le temps de s'occuper des plans, et ils profitaient de leur pouvoir sur la plante pour arnaquer commerçants et bourgeois. Ils s'arnaquaient même entre eux. Ces animaux n'avaient aucune morale.
Dario grogna et craqua une allumette contre sa jambière en cuir usé. Il la fourra dans sa pipe et aspira. Un nuage de fumée verdâtre jaillit de la pipe et le marchand souffla comme un boeuf.
Noeru soupira. Elle tenait une planche qu'elle venait d'enlever à l'étal et se cachait derrière pour regarder le comportement de son père. Elle devinait explicitement ce qu'il pensait. Peu de miséreux aujourd'hui. En réalité, 82. En tout une quinzaine de poires, quatre kilos de pommes, pas mal de légumes et le vieux talon de jambon. Et une vingtaine de kilos de riz. Son obtus de père n'avait rien vu. Heureusement. A vrai dire, les miséreux n'avaient rien volé. Comme à son habitude, Noeru avait donné.
Elle avait conscience que sa nature généreuse risquait de ruiner le commerce de son père. A vrai dire, elle s'en souciait comme d'une guigne. Elle savait que si elle était généreuse ave cles miséreux, elle n'était pas laseule. Quand bien même son père et elle seraient ruinés, il y aurait des âmes charitables pour leur donner à manger.
Dario venait de terminer sa pipe. Il mourrait d'envie d'en allumer une autre. Mais il pensa au tabac, le tabac appellant le miséreux, et le miséreux appellant l'exaspération profonde. Il fit demi-tour et se dirigea vers sa fille. A son air, il devinait qu'elle voulait cacher quelque chose. Il lui adressa un regard insistant, et, au vu de son absence de réaction, il lui balança une giffle magistrale.